Le mouvement des vagues sur du sable peut générer une suspension de sédiments avec des concentrations qui peuvent être assez importantes dans la région proche du lit dans le cas de vagues non déferlantes comme l'ont montré les mesures sur le terrain notamment de Huntley et Hanes (1987), et Van Rijn et Kroon (1992); dans le cas de déferlement, on trouve des concentrations en sédiments plus importantes au niveau de la zone de plongement : mesures de Antsyferov et Kosyan (1990).
Les processus de transport induits par les vagues sont liés aux vitesses générées par les phénomènes de basses et hautes fréquences intervenant dans les vagues. Le transport vers la côte est dominant dans le cas des vagues non déferlantes, alors que pour les déferlements, il est dominant vers le large. Nous allons donc étudier les processus de transport des particules pour ces deux types de vagues.
Transport dans les vagues non déferlantes
Les processus de transport dans la direction perpendiculaire à la côte pour les vagues non déferlantes sont étroitement liés aux vitesses instantanées au voisinage du lit et aux concentrations dans les domaines des hautes et basses fréquences.
Afin de démontrer l'importance relative des différents processus de transport, nous allons décomposer la vitesse instantanée des particules et la concentration de la façon suivante :
U = u + Us + Ul
V = v + Vs + Vl
C = c + Cs + Cl
où U et V sont les vitesses instantanées parallèlement et perpendiculairement à la côte à la hauteur z au-dessus du lit, C la concentration instantanée à la même hauteur z; u,v et c sont les grandeurs moyennes; Us et Vs sont les oscillations hautes fréquences de la vitesse (ondes courtes : T<12s), Ul et Vl les oscillations basses fréquences (ondes longues : 12s < T < 200s ); et Cs l'oscillation haute fréquence de la concentration, Cl son oscillation basse fréquence.
Les oscillations hautes fréquences de la vitesse sont causées par des courants turbulents et des vagues de vent; les oscillations basses fréquences proviennent de la turbulence macro-échelle et des vagues longues.
La figure suivante permet d'observer une représentation schématique des vitesses instantanées générées par les vagues et des concentrations près du lit dans le cas de vagues irrégulières non-déferlantes. Sur la courbe du haut, on a représenté les vitesses, avec Uon dans la direction des ordonnées positives, et Uoff dans la direction des ordonnées négatives :
On peut observer les phénomènes suivants :
On peut déterminer le transport particulaire net perpendiculairement à la côte en faisant la moyenne suivante sur le temps :
Les termes en sont
des flux qui sont liés aux vagues, le terme uc est un flux lié
aux courants.
Les courants permanents ou quasi-permanents pouvant se produire sont :
Le processus de transport dans les vagues non déferlantes associés aux termes de l'équation précédente peut être décrit de la façon suivante :
On peut également analyser le processus de transport lié aux ondes en postulant que le taux de transport instantané est lié au cube de la vitesse instantanée :
qs = U U² avec U = u + Us + Ul
soit qnet =
En supposant que u << Usmax et Ulmax<<Usmax, on obtient :
(1)......(2)......(3).......(4)
dans laquelle:
(1) correspond au transport net dû à l'asymétrie des ondes (dans la direction de propagation de l'onde)
(2) correspond au transport net dû à l'action de l'onde dans la direction du courant moyen
(3) est le taux de transport net dû à l'interaction des ondes longues et des ondes courtes; il est dans la direction contraire à la direction de propagation de l'onde dans le cas de groupes d'onde longues (signe négatif)
(4) est le taux de transport net dû à l'interaction entre le courant moyen, les ondes longues et les ondes courtes; il est quasiment nul car Us et Ul ne sont pas corrélées
L'amplitude et la direction du processus de transport basse fréquence sont peu connus malgré les nombreux efforts de recherche sur le terrain :
Il existe un autre processus de transport important : il est lié aux forces de gravité qui agissent sur les particules mobiles à la surface du lit sur un lit incliné. Ceci va impliquer une augmentation du taux de transport quand le courant descend la pente, et une diminution de ce taux de transport quand le courant remonte la pente. L'effet de gravité sur le transport des particules en suspension est négligeable.
Globalement, dans le cas de vagues non déferlantes, le transport sédimentaire dominant est celui qui s'effectue vers la côte.
Transport dans les déferlements
Les processus de transport dans les déferlements (zones de brisement) sont liés aux mécanismes suivants :
Les processus de transport basses fréquences sous les déferlements dans la zone de brisement sont différents de ceux existant sous les vagues non déferlantes au large de cette zone. Dans la zone de déferlement, la structure des groupes d'ondes est beaucoup moins prononcée; les effets basses fréquences sont plus liés à des ondes isolées ou des ondes longues libres (réflection) qu'à des groupes d'ondes longues.
Osborne et Greenwood (1992) ont observé des processus de transport basses fréquences aussi bien vers la côte que vers le large.
Kroon et Van Rijn (1993) ont étudié la zone de brisement près de Edgmond, aux Pays-Bas. Ils ont trouvé de grandes oscillations hautes fréquences de vitesse (jusqu'à 2m/s) et des oscillations basses fréquences de vitesse jusqu'à 0,5m/s. Les composantes hautes fréquences et basses fréquences du flux de sédiments à environ 5 cm du lit étaient cependant assez faibles. La composante liée au courant (uc) s'est avérée être la composante dominante.
Représentation vectorielle des flux
Sur la figure ci-dessous, on a représenté vectoriellement les composantes du transport sédimentaire :
La direction du transport total est donnée par l'addition vectorielle des moyennes des valeurs instantanées mesurées.
Les vecteurs de transport peuvent être décomposés selon les directions du courant (Fc) et de la propagation de l'onde (Fw):
avec :
Les flux Fc et Fw peuvent être décomposés en composantes moyenne et oscillatoires.
Les équations de calcul de Fc et Fw ne donnent cependant pas de bons résultats lorsque les directions de l'onde et du courant sont les mêmes.
Quelques expériences sur le transport par des vagues et des courants combinés
Le mouvement des vagues peut générer une suspension des sédiments en grandes concentrations dans la zone proche du lit. Quand de forts courants (dus à la marée, au vent ou aux vagues) sont présents, il va s'ajouter un transport vers le haut lié à la turbulence et qui va entraîner des concentrations plus importantes dans les couches supérieures.
Le transport des particules par la vitesse moyenne du courant (en présence de vagues) est défini par le taux de transport lié au courant. On a vu précédemment que le transport est également lié aux vagues. Dans des conditions réunissant à la fois vagues et courant, le transport lié à ce dernier est généralement dominant et peut se déduire des variables (vitesse et concentration) moyennées dans le temps.
Depuis les années 60, plusieurs méthodes ont été proposées pour modéliser ce transport (1ère approche d'Einstein vers 1950) en distinguant le cas des déferlements ou non, et en utilisant les variables soit moyennées, soit instantanées.
1. Concentration dans des vagues non déferlantes en présence de courant sur un lit ondulé
Cette expérience a été réalisée par plusieurs chercheurs ou groupes de chercheurs. Elle consiste à étudier les profils de concentrations dans un courant avec des vagues dans le sens du courant ou dans le sens opposé, sur un lit ondulé. Des vagues étaient générées irrégulièrement.
Les résultats présentés ont été obtenus par Van Rijn (1993) . Les courbes représentent en ordonnée le rapportz/h, où h est la hauteur d'eau, et en abscisse la concentration. Chaque graphe est tracé pour une hauteur de vague donnée (Hs) et il y a une courbe pour chaque valeur de la vitesse du courant :
Sur la base de ces résultats nous avons pu tirer les observations suivantes :
D'autres nombreuses expériences ont été menées dans des conditions similaires avec toutefois quelques variantes comme l'étude de l'influence de l'angle entre la direction du courant et celle des vagues (Havinga, 1992), ou la même étude sur un lit différent... Tout ceci doit alors permettre d'avoir une bonne connaissance de l'influence des différents facteurs intervenant dans le transport de sédiments sous des vagues non déferlantes lorsqu'il existe également un courant.
2. Taux de transport lié au courant pour des vagues non déferlantes
Le transport lié au courant est défini comme le transport de particules par les vitesses moyennes du courant, celles-ci pouvant être modifiées par le mouvement des vagues.
Des expériences sur le taux de transport lié au courant ont été menées notamment par Nieuwjaar et Van der Kaaij (1987), Nap et Van Kampen (1988), dans des courants avec des vagues dans la même direction et dans la direction opposée, et Havinga (1992) qui a étudié expérimentalement l'influence de l'angle entre les directions des vagues et du courant.
Les résultats de ces expériences ont montré :
Nieuwjaar-Van der Kaaij et Nap-Van Kampen n'avaient cependant pas trouvé une influence évidente de la direction relative des vagues par rapport au courant (dans le même sens ou dans le sens opposé). Les résultats de Havinga ont cependant montré qu'il y avait une influence significative de l'angle entre les directions des vagues et du courant sur le taux de transport lié au courant, comme le montrent les graphes ci-dessous, où sont représentés les taux de transport liés au courant en fonction de l'angle vague-courant, et avec des vitesses de pointes près du lit (i.e. liéé à la vague) différentes :0.15m/s, 0.2m/s et 0.3m/s.
Cependant, les raisons pour lesquelles le transport est plus important pour un angle de 90° ne sont pas claires : cela pourrait être lié à l'influence des vagues sur le profil de vitesse qui est maximum pour 90° (figure ci-dessous), ou à la géométrie des rides du lit.
3. Taux de transport lié aux vagues
De nombreux chercheurs ont montré que le transport lié aux vagues pouvait se faire dans la direction opposée à celles-ci.
Van Rijn et al. ont mené des expériences dont deux où courant et vagues étaient dans la même direction, et une avec courant et vagues en direction opposée. Les résultats de ces expériences présentent le rapport du transport total sur le transport lié au courant en fonction du rapport de la vitesse de pointe près du lit (liéé à la vague) sur la vitesse du courant :
Les résultats les plus importants sont :
Le mécanisme de transport lié aux vagues dans la direction opposée à celles-ci est étroitement lié aux mouvements turbulents se produisant près du lit.Quand la crête d'une vague se superposant à un courant allant dans le même sens passe sur une ride, les vitesses près du lit sont importantes et il se forme à l'arrière de la ride un tourbillon "puissant" avec une forte concentration en sable. Quand le creux de la vague passe sur la ride, le tourbillon est soulevé et emporté dans la direction opposée à celle de la vague, alors qu'il se désintègre également dans des couches supérieures. Une partie des sédiments va retomber sur le lit pendant ce processus. Simultanément, un autre tourbillon va être généré à l'avant de la ride au passage du creux de la vague. Pendant cette phase du cycle de la vague, les vitesses près du lit sont relativement faibles et donc celles du tourbillon aussi, les concentrations en sable dans le tourbillon seront donc également faibles. Ainsi, près du lit, il y a un processus de fortes concentrations transportées par de faibles vitesses (tourbillon formé par le passage de la crête de la vague et transporté par le passage du creux), et un processus de faible concentrations transportées par de grandes vitesses.
Des estimations quantitatives des deux processus ont montré un transport net lié aux vagues dans la direction opposée à celles-ci dans le cas d'un courant de même direction que les vagues.
Finalement, il apparaît que de nombreux aspects du transport sédimentaire sont maintenant établis notamment dans les vagues et courants. Cependant, malgré le grand nombre d'expériences et de mesures in situ réalisées, il reste encore des problèmes quant à l'interprétation de certains comportements.