MECANISMES
D'ACTION DU TBT SUR LES MOLLUSQUES
Les tributylétains sont très toxiques pour
les mollusques à des concentrations extrêmement faibles, de
l'ordre de quelques nanogrammes par litre.
Nous détaillerons ici l'action de ces composés sur les deux
groupes de mollusques les plus affectés : les gastéropodes et
les lamellibranches.
Action du TBT sur les gastéropodes
Les gastéropodes constituent un groupe de mollusques comprenant
les escargots, les patelles, les buccins, les conques. Certaines
espèces sont récoltées et consommées par l'homme. Ce sont
majoritairement des organismes benthiques, c'est-à-dire des
organimes vivant sur le fond, en contact avec le substrat, voire
enfouis dans celui-ci. Les gastéropodes sont les organismes les
plus sensibles à la contamination de l'eau de mer par le TBT.
Parmi les gastéropodes, approximativement cent cinquante
espèces subissent des transformations morphologiques à partir
d'un seuil d'environ 1ng /L. Ces transformations constituent
l'effet "IMPOSEX" : il consiste en l'imposition et le
développement de structures reproductrices mâles, tel le pénis
et le canal déférent, chez les individus femelles. Cette
masculinisation des femelles conduit à une perte globale de
fertilité, et entraîne donc une diminution importante des
populations de gastéropodes. Celle-ci a des répercussions sur
l'ensemble de l'écosystème : ainsi, d'autres espèces sont
touchées du fait des relations écologiques. Par exemple, les
bernard-l'hermite, qui utilisent les coquilles abandonnées par
les gastéropodes après leur mue, voient leur population
diminuer en conséquence.
Le TBT agit au niveau hormonal sur les gastéropodes. Sa
présence provoque une augmentation du taux de testostérone
(l'hormone stéroïde mâle) et le développement d'organes
sexuels secondaires mâles, tel le pénis, chez les individus
femelles. Le mécanisme d'action du TBT qui conduit à cette
augmentation n'a pas été complètement élucidé à ce jour ;
cependant, deux hypothèses sont proposées dans la littérature
scientifique :
Une étude récente (Oberdörster et McClellan-Green, 2002) propose un modèle combinant ces deux hypothèses : la libération excessive de PMF serait prépondérante dans le mécanisme et induirait la différenciation des organes sexuels secondaires (ASO), tandis que l'inihibition de l'aromatase accentuerait le phénomène et le maintiendrait grâce à un feedback positif, comme le montre le schéma ci-dessous :
Action du TBT sur les lamellibranches
Les lamellibranches (ou bivalves)
constituent un groupe de mollusques comprenant notamment les
moules et les huîtres. Leur coquille est constituée de deux
parties ; ils peuvent être fouisseurs ou non fouisseurs, dans ce
cas ils sont fixés au substrat par des filaments. Ils se
nourrissent par filtration de l'eau de mer grâce à leurs
branchies lamellaires. Lors de cette filtration, les particules
nutritives sont retenues par les branchies, puis ingérées.
Elles passent ensuite dans l'estomac ou elles subissent une
modification de pH : celui-ci, initalement fixé à 8 dans l'eau
de mer, descend alors à une valeur plus acide. D'après les
résultats du binôme 2 sur la sorption, cette acidification
augmente fortement le taux de désorption du TBT éventuellement
adsorbé sur ces particules.
La toxicité du TBT sur ces organismes se traduit par deux types
de perturbation : des malformations de la coquille et des
altérations de la reproduction.
Les malformations de la coquille apparaissent chez les huîtres
à partir d'un seuil de 2ng/L. Celles-ci consistent en un
épaissessement de la coquille par la production de coquilles
supplémentaires, séparées entre elles par des chambres
remplies de matière gélatineuse. Ces huîtres sont alors
impropres à la consommation.
En haut : huître normale
En bas : huître contaminée par le TBT
Le mécanisme d'action du TBT sur la formation de
la coquille consiste en une inhibition de la calcification
conduisant à la formation de poches gélatineuses.
Les altérations de la reproduction apparaissent
chez les huîtres à partir d'un seuil de 20ng/L. Les effets sont
multiples et dépendent du niveau de concentration du TBT dans
l'eau. Ils se traduisent par une mortalité larvaire et par une
perte de fertilité des adultes.
D'après les résultas du binôme 3 sur la biodisponibilité des organoétains,
les teneurs en TBT biodisponible sont comprises entre 6 et 21 ng/L dans les
ports du bassin d'Arcachon en 2001. Les ports étant les endroits ou le
TBT est le plus concentré du fait de la forte concentration de bateaux,
les teneurs en TBT biodisponible à l'extérieur des ports sont
donc encore plus faibles ; d'après le tableau, cette teneur inférieure
à 20 ng/L n'entraîne aucun effet observable sur les huîtres
du bassin.
Les mécanismes d'action du TBT sur la reproduction des huîtres
sont mal connus. Une étude récente (Tanguy et al,
1999) indique que plusieurs enzymes sont impliquées dans les
processus physiologiques affectés par le TBT chez Crassostrea
gigas:
l'aspartate-amino-transferase, une enzyme du système d'osmorégulation cellulaire
l'adenylate kinase et le phosphoglucomutase, intervenant dans le cycle de Krebs et la glycolyse.
Ainsi les gènes codant pour ces enzymes peuvent avoir des combinaisons
alléliques conférant la sensibilité ou la résistance à la contamination par
le TBT. En fonction de leur patrimoine génétique, les huîtres sont donc plus
ou moins sensibles à la contamination par le TBT.